Pourquoi les projets de mosquées sont-ils difficiles à réaliser en France ?

Les efforts du gouvernement français pour construire une mosquée ont été confrontés à de nombreux défis, dont la laïcité, le financement et les acteurs musulmans locaux. Cependant, quelques problèmes clés persistent. Voici trois facteurs clés qui rendent les projets de mosquée en France difficiles.

Laïcité

L’accent mis par l’État français sur l’intégration de l’islam dans le cadre laïque du pays a entraîné des changements dans le domaine religieux, notamment la laïcité. Macron a qualifié ce processus de « réforme de l’islam ». Cependant, il a également conduit à une discussion malaisée sur la laïcité et l’islam en France. Si l’État français peut prétendre à la neutralité dans ce domaine, il s’est immiscé dans la liberté religieuse et façonne de nouvelles institutions.

Bien que la majorité des mosquées en France aient un statut culturel, il est difficile de former une association religieuse en France sans l’agrément nécessaire. La création d’une association culturelle est bien plus facile que la création d’une association religieuse en 1905, où un groupe religieux doit compter au moins 25 membres. La loi rend plus difficile pour les associations musulmanes de collecter des fonds en France. Le gouvernement français doit également être convaincu qu’une mosquée fait partie intégrante de l’islam.

En France, la construction de mosquées s’est avérée être un défi majeur, surtout pour les petites communautés musulmanes. Par le passé, de nombreux projets de construction de mosquées ont échoué ou ont été retardés en France en raison du manque de financement, de la suspicion à l’égard de l’argent étranger et de la résistance des non-musulmans. Dans la ville d’Angers, dans le sud du pays, par exemple, une association de musulmans a décidé de construire une mosquée il y a 40 ans. Depuis, ils prient dans des garages, des sous-sols et un ancien abattoir.

En outre, la laïcité de l’État français est truffée de paradoxes. L’État s’immisce constamment dans la sphère religieuse et définit la religion en fonction de catégories culturelles. L’État français définit également les mosquées comme des associations religieuses, et les communautés musulmanes doivent naviguer dans cette gouvernementalité paradoxale. Indépendamment du fait que les musulmans enregistrent leurs mosquées en tant qu’associations religieuses ou culturelles, ils doivent tenir compte des conséquences de cette situation.

La construction d’une mosquée dans une communauté musulmane de Paris est particulièrement compliquée. Malgré les difficultés de construction de mosquées en France, les musulmans en réclament depuis longtemps une pour leurs communautés. Dans le sillage de l’accord Sykes-Picot, les Lyautey ont opté pour la Grande Mosquée de Paris. En la construisant, le gouvernement français se présenterait comme une puissance musulmane et honorerait la vie des soldats musulmans qui ont combattu pour le drapeau français pendant la Première Guerre mondiale.

mosque

Les acteurs musulmans locaux

La balkanisation croissante de la communauté musulmane de France a rendu les projets de mosquée difficiles à réaliser. La France possède une énorme mosquée à Strasbourg, surnommée de manière confuse « La Grande Mosquée », qui attire des fidèles des communautés franco-turque et maghrébine. Entre-temps, le ministre de l’intérieur a menacé de dissoudre l’organisation musulmane Milli Gorus, basée à Strasbourg, qui représente les Franco-Turcs.

Les imams étrangers continuent d’être en grand nombre en France. Dans les années 1980 et 1990, l’Algérie et le Maroc ont envoyé respectivement 151 et trente imams. Depuis, le gouvernement a rendu obligatoire la formation civique et administrative des imams en français.

En France, les musulmans avaient organisé l’islam dans les mosquées avant les années 1960, mais aujourd’hui, c’est plus complexe que jamais. Une nouvelle ère d’organisation doit tenir compte des mosquées locales. Selon le ministère de l’intérieur, la plupart des mosquées sont indépendantes et non affiliées. Les fédérations du CFCM avaient tendance à accorder plus de privilèges aux mosquées sous contrôle étranger. Les tentatives de la France de centraliser l’organisation de l’islam se sont avérées contre-productives en raison de l’ingérence étrangère.

Outre les acteurs musulmans locaux, les facteurs sociaux et religieux jouent également un rôle important dans les résultats de ces initiatives. À Paris et à Montreuil, les sections collectives étaient présentes. Les maires disposaient des principaux pouvoirs de décision. Le chef des Services des cimetières avait un rôle important dans ces projets. A Lyon, les musulmans ont dû convaincre les maires au niveau du COURLY, qui regroupe 57 municipalités.

La lettre du ministère de l’Intérieur rend difficile la compréhension du rôle spécifique des acteurs musulmans locaux dans les politiques du gouvernement français. La lettre indique en outre que l’intégration des familles est une préoccupation essentielle et que l’État français encourage la mise en place de sections confessionnelles au sein des mosquées. Par conséquent, les projets de mosquées en France sont sujets à l’opposition politique, mais une municipalité locale volontaire peut aider une communauté à surmonter les difficultés.

Financement

Malgré le manque d’installations religieuses en France, de nombreux musulmans tentent toujours de réunir des fonds pour leurs projets. Bien que le gouvernement ne fournisse pas de détails sur le coût de chaque mosquée, il est largement admis que les mosquées sont trop chères pour être construites en France. De nombreuses personnes pensent que les mosquées qui existent sont financées par des gouvernements étrangers.

La nouvelle loi visant à lutter contre l’islamisme a relancé un débat sur la question de savoir si l’argent du gouvernement doit être utilisé pour construire des mosquées. Alors que la France a des règles strictes concernant les dépenses gouvernementales pour les projets religieux, il n’est pas clair si les mosquées peuvent recevoir des subventions gouvernementales. La nouvelle loi devrait être approuvée dans les semaines à venir. Toutefois, la mosquée de Strasbourg, située dans l’est de l’Alsace, remplit les conditions pour bénéficier d’un financement gouvernemental en raison de son importance historique.

Après son annonce, le ministre de l’Intérieur Gerald Darmanan a accusé le conseil municipal de Strasbourg de financer une mosquée appartenant à une association islamique fidèle à la Turquie. Le maire Parsigian a nié avoir reçu des avertissements de la part d’organismes d’État, mais il s’est engagé à soutenir le projet. Une nouvelle mosquée sera construite à Strasbourg dans les prochaines années. La mosquée servira de siège au Conseil de l’Europe. Cependant, ce projet controversé a suscité des inquiétudes dans tout le système politique français.

De plus, les citoyens français ont du mal à s’identifier en tant que musulmans dans un contexte éthique. Par exemple, le travail de terrain de deux ans de Karim dans la banlieue de Paris met en évidence la difficulté de vivre de manière éthique dans un contexte français. En France, l’État revendique sa neutralité dans le domaine religieux, mais intervient également pour créer de nouvelles institutions. En fin de compte, cette situation est paradoxale. Si l’État tente de construire des mosquées en France, le gouvernement français sera contraint de les financer.

Le gouvernement français a également proposé une législation visant à obliger les groupes religieux à divulguer leurs financements étrangers. Plus précisément, le projet de loi interdirait aux citoyens français de financer des groupes religieux qui sont perçus comme étant anti-occidentaux. Macron a déjà menacé de dissoudre Milli Gorus, l’association turque qui soutient la mosquée de Strasbourg. M. Berseghian a rejeté la proposition de M. Macron, et son maire du Parti des Verts était furieux à l’idée que le gouvernement turc s’immisce dans ses affaires. En conséquence, Strasbourg doit voter à nouveau pour approuver la construction de la mosquée. Cependant, de nouvelles procédures judiciaires compromettront le déblocage des fonds pour la mosquée.

La gouvernementalité laïque de l’Islam

La gouvernementalité laïque de la France limitent les communautés musulmanes et une nouvelle loi contre l’islam pourrait exacerber ces inégalités. Cette nouvelle loi empêcherait les organisations religieuses de recevoir des fonds publics pour construire des mosquées. En France, ce type de gouvernementalité est une source de désavantage important pour les musulmans, dont le nombre a diminué au cours des dernières décennies. En France, la population musulmane est composée en grande partie d’immigrants, qui sont souvent victimes de discrimination et de mauvais traitements.

L’État utilise la dichotomie culture-religion pour exercer un contrôle sur les mosquées. Il exige des acteurs locaux, qui sont musulmans, de convertir leur lieu de culte du statut culturel de 1901 au statut religieux de 1905 afin de pouvoir prétendre à des avantages fiscaux. Ce processus s’accompagne toutefois de limitations financières strictes et d’obligations comptables rigides, et il sert également de critère pour juger si les acteurs sont réellement musulmans ou non. Par conséquent, les demandes de fonds publics sont fréquemment refusées, même si ces acteurs sont musulmans.

L’un des problèmes de la construction d’une mosquée en France est le manque de ressources pour construire un bâtiment. Se tourner vers des donateurs internationaux pour construire une mosquée soulève donc un certain nombre de questions éthiques. La loi contre l’islamisme devrait être adoptée par le Sénat français ce mois-ci. La laïcité du gouvernement français, qui a établi une ligne de démarcation entre l’État et l’Église, complique encore les choses.

En outre, la présence islamique a joué un rôle majeur dans le renforcement des récits préservant le passé. En effet, l’islam est devenu la raison la plus importante pour l’État français de lier la religion et l’identité nationale, et un objet central du débat public lors des moments critiques de l’autoréflexion nationale. En fin de compte, le déclin du christianisme est la force motrice derrière la soi-disant « culturalisation » de la religion en France.

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