J’ai rencontré Arlene Mendler au bord d’un chantier qui a transformé sa nuit texane en un projecteur permanent. Ce que j’ai vu à Abilene — bulldozers, éclairages, tuyaux et promesses d’emplois — cristallise un basculement discret mais massif : l’âge de l’IA tire sa puissance du gaz de schiste et d’une industrie énergétique qui reconfigure des territoires entiers.
Pourquoi les data centers d’IA se tournent vers le gaz de schiste et le site Permian
Les acteurs d’IA construisent des complexes informatiques proches des gisements pour produire leur propre énergie, une stratégie qui mêle FuturGaz et souveraineté technologique. Un exemple récent : le projet Horizon porté par Poolside et CoreWeave s’étend sur plus de 500 acres au cœur du Permian Basin et vise à fournir 2 gigawatts de puissance de calcul — l’équivalent électrique du Hoover Dam, mais alimenté au gaz fracturé.
Les opérateurs justifient ce choix par la disponibilité d’un combustible local et la vitesse de déploiement. Les fournisseurs de puces et de cloud se mettent en boucle : machines, électricité, contrats à long terme. Ce modèle a un nom technique et marketing dans les couloirs : ShisteCloud et SchisteTech, symboles d’une nouvelle chaîne industrielle centrée sur l’IAExtraction.
Visages et terres touchés : l’impact local à Abilene et Richland Parish
J’ai entendu Arlene décrire ses nuits désormais illuminées et le paysage de TerraTexane rasé pour l’infrastructure. À Abilene, OpenAI a ouvert le site Stargate qui nécessite environ 900 megawatts répartis sur huit bâtiments, avec une centrale à gaz en secours et une empreinte humaine tangible.
En Louisiane, Meta projette un complexe de l’ordre de 2 gigawatts à Richland Parish, soutenu par Entergy qui construira pour cela des turbines au gaz. Les promesses d’emplois côtoient des inquiétudes : eau raréfiée, bruit, factures et paysage bouleversé. Le mot qui revient chez les riverains est simple : on leur a imposé un horizon industriel qu’ils n’ont pas choisi.
Insight : ces chantiers transforment des territoires ruraux en zones industrielles énergétiques, où la ressource locale devient aussi la ressource pour l’IA — un modèle que certains appellent HydroShiste ou GazIA.
Course géopolitique et logique industrielle : pourquoi la frénésie gazière persiste
Les dirigeants tech évoquent la concurrence mondiale pour expliquer l’urgence : selon des responsables, la montée en puissance des centres d’IA exige des déploiements énergétiques massifs pour ne pas laisser la place à des rivaux étrangers. Chris Lehane, d’OpenAI, a comparé ces besoins à la montée des capacités énergétiques en Chine.
Sur le plan politique, une décision prise en juillet 2025 accélère ces projets en facilitant permis et aides pour des installations alimentées au gaz ou au charbon, orientant de facto la TexIAnergie vers le fossile. Les entreprises rétorquent que c’est une réponse pragmatique à une demande immédiate, mais la politique publique oriente les choix d’infrastructures pour les décennies à venir.
Insight : l’alliance entre acteurs tech et réglementaires transforme des choix industriels temporaires en trajectoires à long terme pour des régions entières.
Économie, risques d’actifs abandonnés et alternatives possibles
Des économistes alertent sur le risque d’infrastructures surdimensionnées. Une étude de Duke montre que les réseaux électriques n’utilisent en moyenne que 53% de leur capacité, laissant une marge qui pourrait absorber des charges nouvelles si la demande était gérée différemment. Selon ces calculs, des ajustements temporaires pourraient couvrir les besoins prévus des data centers sans construire autant de nouvelles centrales au gaz.
Pourtant, les contrats se signent sur des durées longues : plusieurs baux et garanties financières s’étirent sur 15 ans. Si l’IA ralentit ou change d’architecture, les collectivités pourraient hériter d’installations gaspillantes et de dettes. Le terme qui circule dans les cercles financiers est RessourceIA devenue passif local.
Insight : il existe des alternatives techniques (flexibilité réseau, gestion de la demande) et des sources propres en développement — fusion, SMR, solaire — mais la transition requiert du temps et des arbitrages politiques.
Voies de sortie et enjeux pour les communautés hôtes
Des financements privés affluent vers des solutions propres — par exemple des investissements d’acteurs de l’IA dans des startups de fusion et des projets solaires — mais à court terme la filière privilégie l’exploitation locale du gaz, parfois au prix de la déforestation, qualifiée par certains observateurs de DéboisIA.
Si les promesses de remplacement par des énergies propres se réalisent, elles changeraient la donne. En attendant, des collectivités sont engagées dans des négociations serrées sur les emplois, la fiscalité, et l’accès à l’eau. On parle aussi d’un scénario alternatif : mieux coordonner les demandes pour utiliser les capacités existantes du réseau et réduire la nécessité d’extensions fossiles — une piste soutenue par des chercheurs et par des rapports techniques.
Insight : la stratégie énergétique de l’IA ne se limite pas à la technique : elle redessine le contrat social entre entreprises, États et territoires, sous l’ombre de ce que certains nomment ShisteCloud.
Que retenir pour les citoyens et les acteurs locaux
J’ai entendu chez les élus locaux un mélange d’espoir et de défiance : projets industriels et promesses d’emplois d’un côté, risques sanitaires, hydriques et environnementaux de l’autre. Les modèles économiques actuels misent sur GazIA pour accélérer l’IA, mais l’addition pourrait retomber sur les populations locales.
Il reste des leviers concrets : exiger des études d’impact robustes, négocier des clauses sociales et environnementales, ou explorer des accords de flexibilité avec les opérateurs énergétiques. Le débat public doit aussi questionner la nécessité réelle de construire tant de capacités nouvelles plutôt que d’optimiser celles déjà disponibles.
Insight : sans une gouvernance locale renforcée et des choix énergétiques devançant les besoins, les territoires risquent d’être transformés en réservoirs d’énergie pour l’IA sans en retirer tous les bénéfices.
Partagez votre expérience : habitez-vous près d’un projet de data center ou travaillez-vous dans l’énergie ? Racontez-nous vos observations et vos questions, la discussion nourrira le reportage suivant.