J’ai rencontré Li Zhang, ingénieure chez Tencent, lors d’une pause café dans un technoparc de Shenzhen. Elle venait d’apprendre la nouvelle : Nvidia et AMD ont enfin obtenu le feu vert de Washington pour vendre en Chine certaines de leurs puces d’intelligence artificielle. Sur son portable, elle fait défiler les réactions de ses collègues : entre incrédulité et ironie. Derrière ce « deal » inédit, un prix à payer qui laisse tout le secteur sur le qui-vive, petits comme géants, de Alibaba à Huawei, en passant par Baidu et Lenovo. Dès l’aube, l’affaire semblait claire : Washington « autorise », mais ne lâche rien. Si le marché chinois s’ouvre à Nvidia et AMD, c’est pour 15 % des revenus, directement prélevés par le gouvernement fédéral américain. Un magot qui aiguise les convoitises… tout en attisant la méfiance de Pékin, qui déconseille déjà à ses acteurs de se jeter sur les puces autorisées. Ce jeu de miroirs est-il aussi profitable qu’il y paraît ?
Pressions politiques et nouveau “deal” : Nvidia, AMD, et la taxe surprise sur la Chine
J’ai écouté la conférence de presse de Donald Trump dans laquelle il posait les conditions du partenariat. L’ancien président n’y va pas par quatre chemins : pour chaque puce IA — notamment la H20 de Nvidia et la MI308 d’AMD — expédiée en Chine, les entreprises américaines reverseront 15 % du produit des ventes à Washington.
- Un taux historique, jamais imposé auparavant à une grande tech américaine.
- Des négociations de dernière minute : Trump voulait initialement 20 %.
- Ceux qui espéraient fournir de la haute performance à la Chine devront encore patienter : les puces les plus puissantes restent hors d’atteinte.
- Un parfum de transaction mafieuse flotte dans l’air, entre “racket” et “délivrance sur facture” officielle.
Selon l’analyste Julie Martin, interviewée pour l’Observatoire Asie-Tech, ce compromis permet à Nvidia et AMD de garder un pied sur le marché chinois… tout en alimentant les caisses publiques américaines, dans un contexte géopolitique tendu.
Une parade qui ne séduit pas tout le monde en Chine
Imaginez : vous êtes responsable Data chez Alibaba ou Baidu. On vous souffle de ne pas acheter la puce phare de Nvidia, la fameuse H20. Pourquoi ? Parce que Pékin vient d’exhorter les entreprises à s’en détourner, spécialement pour les usages gouvernementaux.
- Les services publics et grandes sociétés sont encouragés à soutenir l’écosystème local : Huawei, Inspur, China Electronics Corporation.
- Le marché des ventes institutionnelles se tarit pour Nvidia et AMD.
- Stigmatisation : la H20 acquiert une image de “puce au rabais”, ce qui dissuade certains acteurs du privé (source : Liu Wen, consultant chez TMT Consulting).
- Certains acheteurs potentiels, comme Lenovo ou NetEase, préfèrent temporiser pour voir comment évolue la situation.
Un client que je croise chez Baidu me confie, sourire en coin : « On ne va pas miser toute notre IA nationale sur une “brioche” américaine tiède !». Pas de quoi rassurer les actionnaires américains.
Conséquences sur l’écosystème technologique : la riposte des géants chinois
Sur le terrain, la consigne du gouvernement secoue déjà la Silicon Valley locale. Tour d’horizon : comment les leaders chinois s’adaptent-ils à cette fenêtre commerciale, mi-ouverte, mi-filtrée ?
- Huawei accélère le lancement de ses puces IA maison pour applications cloud et edge.
- Alibaba muscle la stratégie de sa filiale Damo Academy pour concevoir des alternatives locales.
- Tencent annonce des investissements dans des startups de semi-conducteurs (source : communiqué du 2 mai).
- China Electronics Corporation affirme vouloir “triple[r] la résistance technologique” sur fond d’autosuffisance affichée.
Du côté des fournisseurs serveurs comme Inspur et Lenovo, on parie sur une montée en puissance de composants locaux plutôt que sur une dépendance aux H20 ou MI308, quitte à perdre un peu de puissance de calcul provisoirement.
À retenir : ce mouvement n’enferme pas seulement les puces dans une bataille de chiffres ; il pousse aussi la Chine à « bricoler » ses propres circuits courts, avec l’aide d’une génération d’ingénieurs particulièrement inventive.
Reste-t-il des gagnants ? Les États-Unis n’ont pas dit leur dernier mot
En coulisses, on sent que Nvidia et AMD cherchent déjà la parade. Ils tablent sur des déclinaisons plus “exportables” de leurs architectures en 2025, alors même que Washington prolonge la période de droits de douanes réduits sur les imports chinois — une trêve de 90 jours de plus.
- 30 % de taxe à l’import contre 145 % auparavant : un deal temporaire pour alléger la pression.
- Les sociétés américaines comme Nvidia et AMD cherchent à se rapprocher des intégrateurs locaux (ex : alliances techniques avec Inspur ou Tencent).
- Côté chinois, certains acteurs multiplient les petits contrats locaux pour contourner la dépendance au matériel étranger.
- Des voix dans la Silicon Valley plaident pour une stratégie à plus long terme, misant sur la dynamique d’innovation interne et de coproduction.
La question demeure : assistera-t-on à l’émergence d’une “diplomatie de la puce IA”, ou à une fragmentation durable du marché mondial ? Partagez vos impressions, vos expériences ou vos doutes — cette histoire, chacun l’écrit à sa façon.