J’ai vu défiler, ces derniers jours, des montages vidéo où Robin Williams semblait revenir à l’écran, bougeant et parlant comme autrefois. J’ai entendu la colère de sa fille, Zelda Williams, qui a demandé sèchement aux fans d’arrêter d’envoyer et de partager ces deepfakes. Cette tension entre technologie et mémoire révèle une faille juridique et morale : on ne peut pas poursuivre pour diffamation une personne décédée, mais cela n’autorise pas pour autant l’atteinte au respect de la mémoire.
Pourquoi l’alerte de Zelda Williams met la lumière sur un vide légal autour des deepfakes
J’ai rencontré des membres de familles touchées par des deepfakes : leur première réaction est rarement technique, elle est émotionnelle. La protection de la vie privée et le droit à l’image semblent s’évanouir lorsque la personne représentée est morte.
Selon des analyses publiées après la sortie de Sora 2, le modèle d’OpenAI permet de générer des images vidéo très réalistes — y compris de personnalités décédées — parce que la législation actuelle ne considère pas la diffamation des morts comme un délit. Le Student Press Law Center l’explique clairement : l’absence de protection pénale pour les défunts crée un espace juridique vide.
Insight : tant que le cadre légal ne reconnaîtra pas un droit d’usage de l’image posthume, les familles resteront sans recours efficaces contre l’usurpation d’identité numérique.
Les conséquences humaines : entre traumatisme et indignation
J’ai entendu Zelda écrire sur Instagram : « Stop sending me AI videos of Dad », une phrase simple qui condense fatigue et détresse. Les proches ne disposent d’aucun « mot à dire » numérique : les algorithmes recyclent la voix et l’apparence sans demander le consentement des héritiers.
Concrètement, cela signifie que le respect de la mémoire est réduit à une esthétique approximative — ce que Zelda appelle « ce vague semblant qui suffit ». Pour les familles, chaque deepfake devient un rappel cru d’une perte qu’on instrumentalise.
Insight : le débat n’est pas seulement juridique, il est profondément humain — et il réclame des garde-fous éthiques immédiats.
OpenAI, Sora 2 et l’éthique numérique : où tracer la ligne ?
J’ai vu OpenAI lancer Sora 2 et l’application sociale Sora, qui facilitent la création de vidéos réalistes. À la sortie, la plateforme a été rapidement envahie par des portraits d’historical figures et de célébrités décédées, ce qui a mis en lumière l’absence de contrôles solides pour les représentations posthumes.
TechCrunch et d’autres médias ont testé le modèle et noté des incohérences : certains personnages récents ou protégés n’apparaissent pas, tandis que d’autres, comme Robin Williams, peuvent être recréés. La position initiale de l’entreprise — exigeant un « opt-out » des studios — a suscité des critiques, puis une marche arrière publique.
Insight : sans normes claires, les plateformes déterminent elles-mêmes les frontières de ce qui est tolérable, et cela n’est pas satisfaisant pour la législation audiovisuelle et l’éthique publique.
Industrie, droit et pression des ayants droit
J’ai entendu des représentants de l’industrie réclamer des clarifications : la Motion Picture Association a demandé à OpenAI d’agir contre l’utilisation non autorisée de propriétés protégées. Ces tensions montrent que le droit d’auteur et le droit à l’image se croisent de façon inédite avec l’intelligence artificielle.
Pour comprendre les enjeux internes aux entreprises, l’article sur les employés d’OpenAI et leur exposition aux défis des réseaux sociaux éclaire les débats de modération et de responsabilité. Lire le dossier sur l’engagement interne.
Insight : réguler les usages revient à réguler les modèles économiques — sans action coordonnée, le marché privilégiera la viralité au sens moral.
Quelles pistes législatives et techniques pour protéger la mémoire et les personnes ?
J’ai rencontré Clara, responsable d’une association qui accompagne des familles touchées par l’exploitation posthume d’images. Elle plaide pour des mécanismes simples : un registre posthume d’interdiction d’utilisation de l’image, et des obligations de transparence pour les plateformes qui génèrent des contenus synthétiques.
Des textes comme la nouvelle loi californienne sur la sécurité de l’IA commencent à esquisser des solutions en mixant régulation et innovation. Un aperçu de cette loi montre qu’il est possible d’articuler obligations techniques et garanties juridiques.
Sur le plan pratique, certains proposent d’imposer des balises techniques : watermarking obligatoire des contenus générés, limitations strictes pour les représentations de personnes décédées, et procédures de retrait accéléré quand la famille s’oppose. Ces mesures sont complémentaires aux outils existants de protection du droit d’auteur — comme l’alerte lancée par la Motion Picture Association. Contexte sur Sora 2.
Insight : la régulation efficace devra mêler législation audiovisuelle, obligations technologiques et droits des ayants droit pour éviter que la mémoire collective ne devienne un terrain de jeu numérique.
Vers un pacte numérique pour la mémoire et la dignité
J’ai vu des initiatives civiles et des start-ups tenter des solutions ; certaines apps proposent déjà des outils pour monétiser ou contrôler l’usage des voix et visages, pendant la vie et après. Toutefois, des modèles voisins, comme Neon, soulèvent de nouvelles questions sur la revente de données et la rémunération des utilisateurs. Enquête sur Neon et la monétisation des conversations.
Si nous voulons préserver le respect de la mémoire sans bloquer l’innovation, il faudra un pacte public-privé qui pose des règles claires sur le consentement, la traçabilité des contenus et des sanctions pour les usurpations d’identité numériques.
Insight : protéger la dignité des défunts face aux deepfakes est un test pour notre capacité collective à traduire l’éthique numérique en lois et en technologies opérationnelles. Retour sur les enjeux humains chez OpenAI.