Sameer Samat, président de l’écosystème Android, a confié à TechRadar en juillet que Google allait fusionner ChromeOS et Android en une plateforme unique. Il s’agissait de l’aveu public d’un projet qui circulait à l’état de rumeur depuis près de dix ans.
Android et ChromeOS : l’annonce qui change la donne
La confirmation a trouvé un écho immédiat tant auprès des utilisateurs que des développeurs. En France, Android équipe 73,6 % des smartphones actifs, contre 26 % pour iOS, d’après le tableau de bord StatCounter.
Ce leadership numérique va de pair avec une autre réalité, neuf Français sur dix possèdent déjà un smartphone. C’est ce que révèle le Baromètre du numérique 2025 de l’ARCEP, qui montre que la mobilité digitale est devenue omniprésente de Lille à Marseille.
Dans cette logique, unir le système dominant des poches des Français à celui qui anime les Chromebooks des salles de classe représente un bond en cohérence et en économies d’échelle. Sans surprise, la discussion rappelle une pratique tout aussi ancrée dans l’Hexagone, la facilité de tester des services pour un prix modique.
Si beaucoup d’internautes se contentent aujourd’hui du coût d’un café pour découvrir une application, ou profitent d’un casino dépôt minimum 10 euros pour un divertissement éclair, l’idée d’acheter un Chromebook d’entrée de gamme à moins de 300 euros prend encore plus de sens.
Pour un designer UX partageant son temps entre Lyon et Paris, la promesse de continuité est l’attrait majeur. Esquisser des maquettes sur un Pixel 8 durant le trajet en TGV et les finaliser sur Chromebook dans un espace de coworking parisien est déjà possible, mais il reste encore quelques ajustements à peaufiner.
Si la fusion voit le jour, nous espérons pouvoir glisser‑déposer un fichier et l’ouvrir sans percevoir la moindre différence de système. Pour ces professionnels, comme pour les 22 % de salariés français en mode hybride au premier semestre 2024 selon l’INSEE, la disparition des barrières d’expérience entre écrans promet des gains de productivité tangibles.
Du « mode desktop » à l’écosystème unifié
La concrétisation de cette vision a débuté en 2024, lorsque Google a annoncé que ChromeOS reposerait désormais sur Android.
La manifestation la plus visible s’est matérialisée dans Android 16, qui introduit un mode desktop permettant de redimensionner les fenêtres, d’épingler des applications côte à côte et même de brancher un écran externe sans latence.
Autant de fonctions jusque‑là réservées aux Chromebooks. Si iPadOS restait jusqu’ici la référence en matière de fluidité multiformat, Mountain View entend désormais offrir une réponse équivalente, portée par une bibliothèque d’applications déjà titanesque. Dans l’Hexagone, le calendrier semble idéal.
Parallèlement, les Chromebooks, longtemps cantonnés aux salles de classe, gagnent désormais les bureaux des start‑ups de Lille et de Nantes, attirées par leur faible coût de maintenance et, surtout, par la promesse d’un flux de travail sans couture.
Pour l’utilisateur lambda, l’unification touche aussi le divertissement quotidien. Le même APK qui fait tourner l’appli de streaming ou le jeu de paris sportifs sur le smartphone devrait s’ouvrir en plein écran, avec contrôles adaptés, sur l’ordinateur portable.
Côté sécurité, Google signale l’adoption de l’authentification par passkeys. Une exigence cohérente avec le regard de plus en plus aiguisé de la CNIL sur la protection des données personnelles.
En filigrane, le message est clair. Abattre le mur entre ordinateur portable et téléphone n’est pas un caprice technologique, c’est une réponse stratégique au comportement numérique français, qui passe d’un lieu, d’un appareil et d’un format à l’autre avec une aisance naturelle.
Interface adaptative : une UX pour toutes les tailles d’écran
Lors de la préversion d’Android 16 en mars 2025, Frandroid a résumé l’effet « waouh » en une phrase : Google s’apprête à révolutionner l’expérience Android sur grand écran. Le crédit revient au nouveau mode desktop, aux fenêtres redimensionnables et aux gestes de continuité attendus pour le QPR1 de septembre 2025.
Ces changements ne sont pas de simples retouches esthétiques. Ils arrivent de pair avec Material 3 Expressive, évolution de Material You, qui ajuste couleurs et typographie au moindre pouce disponible, qu’il s’agisse du Pixel 8 qui tient dans la poche ou du Chromebook 14 po posé sur la table d’un café.
Le pari prend tout son sens dans un pays où Android conserve près de trois fois la part de marché d’iOS. Dans le même temps, le marché des grands écrans repart à la hausse. Solutions Numériques, citant des données Stocklytics/Statista, anticipe +12,5 % de revenus pour les tablettes en 2025, la plus forte progression depuis 2021.
Avec davantage de tablettes et d’ordinateurs portables à portée de main, la promesse d’une interface qui s’étire sans perdre en cohérence prend une dimension très concrète.
Synergie PC‑smartphone, sécurité et confidentialité
Glisser une maquette du téléphone vers l’ordinateur portable, sans câble, aurait pu devenir la norme plus tôt. Depuis 2021, Google propose Nearby Share. Mais ce n’est qu’à présent, avec la fusion du code Android‑ChromeOS, que la fonction utilise le même compte Google, réduisant la latence et les erreurs d’appairage.
Le gain se ressent au quotidien pour ceux qui travaillent en mode hybride, pratique adoptée par 22 % des salariés français au deuxième trimestre 2024 selon l’INSEE. Pourtant, aucune unification ne tient si la protection des données flanche.
La CNIL a rappelé en mars 2025 que l’authentification multifacteur doit s’adapter au contexte et aux risques et recommande des méthodes sans mot de passe fondées sur des clés cryptographiques. C’est précisément la voie empruntée par Google en intégrant les passkeys au système de connexion unifié Android‑ChromeOS.
Dans le même esprit, la délibération de la CNIL d’avril 2025 sur les applications mobiles exhorte à intégrer la vérification des règles fondamentales de protection des données dans le cycle de développement. En d’autres termes, lorsque le même APK circule entre téléphone et ordinateur portable, les correctifs de sécurité suivent l’utilisateur, pas l’appareil.
La fusion facilite des correctifs plus rapides grâce à un seul arbre de code. Mais elle concentre aussi les risques. Un bug critique toucherait l’ensemble des terminaux. Le pari de Google est cependant que la transparence et les mises à jour mensuelles, déjà familières aux utilisateurs de Pixel, dissipent la crainte plus vite qu’un mise à jour OTA ne s’installe.
Impact sur les fabricants et la chaîne européenne du hardware
L’annonce de la fusion survient alors que le marché des ordinateurs personnels reprend légèrement. IDC calcule que les expéditions mondiales de PC ont progressé de 1 % en 2024 et prévoit encore 3 % à 4 % en 2025, soit environ 273 millions d’unités.
Dans ces volumes, les Chromebooks retrouvent de l’élan. Le dernier rapport de Canalys fait état de 6 millions d’unités expédiées au deuxième trimestre 2024, une hausse annuelle de 4 % tirée par le secteur de l’éducation.
Ce segment intéresse directement les fabricants basés en France. L’entreprise annonce vouloir porter son taux de réparabilité à 84 % d’ici 2026.
Concrètement, moins de fragmentation entre Android et ChromeOS réduit les coûts de firmware, simplifie la logistique des pièces et pourrait accélérer la production de machines « plus » (CPU x86 assortie d’une NPU pour l’IA) assemblées ou reconditionnées dans l’Hexagone.
Côté demande, deux appareils vendus sur trois tournent déjà sous l’OS au petit robot. En transformant les Chromebooks en prolongements naturels de ces téléphones, Google met aussi la pression sur les autres acteurs du hardware. Acer et Asus poussent déjà des gammes « Chromebook Plus » à moins de 500 euros.
Opportunités pour les développeurs français et la régulation du secteur
Si le hardware reprend son souffle, le software ouvre des portes plus larges encore. La French Tech recense plus de 2 000 entrepreneurs suivis par le programme Tremplin et 896 start‑ups incubées depuis 2019, avec des bourses pouvant atteindre 22 900 euros par projet.
Le message institutionnel est limpide. Unifier le code réduit le time‑to‑market et augmente la probabilité de toucher plus de 60 millions d’écrans actifs rien qu’en France, en additionnant smartphones, tablettes et Chromebooks. Pourtant, rien n’avance sans la bénédiction de Bruxelles.
Depuis le 6 mars 2024, le Digital Markets Act (DMA) impose des obligations spécifiques aux « gatekeepers ». En mars 2025, la Commission européenne a déjà lancé des enquêtes préliminaires pour auto‑préférence présumée dans les résultats de recherche et dans les règles du Play Store.
En cas d’infraction, les amendes peuvent atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise, soit près de 35 milliards de dollars. La fusion Android‑ChromeOS devra donc respecter, dès la première version publique, les exigences d’interopérabilité, liberté d’installer des boutiques d’applications tierces, partage équitable des données.
Par ailleurs, le calendrier technique annonce une sortie étagée. Des documents internes de Google évoquent une préversion développeur, avec des ordinateurs portables de référence livrés aux partenaires OEM au premier semestre 2026.
L’adoption massive pourrait suivre en 2027. D’ici là, la CNIL veille de près. Sa recommandation de mars 2025 sur l’authentification multifactorielle précise que les clés cryptographiques doivent devenir la norme dès lors qu’un même identifiant donne accès à plusieurs terminaux.