J’ai vu la place du village vide de ses habitués, j’ai entendu la peur dans la voix des salariés et j’ai rencontré des élus abasourdis : à Le Lardin-Saint-Lazare, la fermeture possible des Papeteries de Condat met en danger une histoire industrielle de 118 ans et menace directement l’emploi local. L’usine dispose d’une ligne remise à neuf en 2023, mais des problèmes financiers d’envergure pèsent aujourd’hui sur son avenir. La question dépasse l’usine : elle touche le budget communal, le patrimoine industriel du territoire et les choix de transition économique à venir en Dordogne.
Papeteries de Condat : menace de fermeture et enjeux pour l’emploi local en Dordogne
Aux abords du Périgord noir, l’usine rythme la vie du village depuis plus d’un siècle. Là où 1 200 personnes travaillaient encore en 1991, l’effectif est tombé à environ 202 salariés, concentrés aujourd’hui sur une seule machine. Cette ligne 8, rénovée pour produire du papier glassine destiné aux étiquettes, est la dernière du groupe en France capable de fabriquer ce produit.
Modernisation, dette régionale et effets sur le territoire
La modernisation de la ligne a été soutenue par des fonds publics : un prêt à taux zéro de 19 millions d’euros consenti par la Région Nouvelle-Aquitaine n’est plus remboursé depuis avril, soit un manque à gagner évalué à 500 000 € par mois. À cela s’ajoutent près de 14 millions d’euros d’aides de l’État versées via l’Ademe la même année.
Pour le président de la région, Alain Rousset, cette situation est difficilement acceptable : ces fonds doivent pouvoir revenir au soutien d’autres acteurs locaux si l’usine ne respecte pas ses engagements. Cette lecture met en lumière la tension entre l’usage de l’argent public pour la relance industrielle et la nécessité d’une gestion rigoureuse des aides.
Une usine moderne face à des choix industriels et de marché
J’ai rencontré la maire, Francine Bourra, qui décrit une situation presque absurde : équipements récents, brevets détenus, savoir-faire présent, et pourtant des débouchés qui se tarissent pour le produit fabriqué. Elle estime que l’usine pourrait réorienter sa production vers des marchés plus porteurs, comme les applications alimentaires, cosmétiques ou pharmaceutiques.
Cette observation pose la question plus large de la stratégie du groupe : l’industrie papetière européenne est fragmentée et certaines décisions semblent dictées par la concurrence interne entre sites et le coût du travail en Espagne ou en Italie. Pour la collectivité, cela fragilise une pièce majeure du patrimoine industriel local et interroge la capacité à piloter une véritable transition économique.
Impact social : le récit d’un village attaché à son usine
J’ai rencontré Philippe Delord, délégué syndical et « enfant du pays », qui vit au Lardin depuis toujours. Pour lui, la papeterie structure tout : voisins, amis, retraites et services municipaux reposent sur la présence de l’usine. La mairie craint notamment la perte d’assiette fiscale liée aux terrains industriels, évaluée à l’échelle communale comme un pilier du budget.
La menace de fermeture d’ici la fin de l’année, telle qu’annoncée par des sources locales, expose des enjeux de responsabilité sociale de l’employeur et de soutien aux entreprises par les collectivités. La possible disparition de services et la fragilisation des recettes locales illustrent ce que signifie l’arrêt d’une activité industrielle pour un territoire rural.
Que demandent les salariés et quelles pistes pour maintenir l’activité ?
Les salariés réclament un repreneur et des garanties pour préserver les emplois. Le syndicat multiplie les appels pour sauver la production et obtenir des engagements concrets du groupe, qui, selon nos informations, refuse pour l’instant de commenter et semble peu enclin à céder le site.
Sur le plan des options, la recherche d’un repreneur local ou spécialisé apparaît comme la voie privilégiée par les acteurs de terrain. La question du papier recyclé et des marchés durables est évoquée par certains élus comme une piste à explorer dans un contexte où le développement durable devient un critère commercial et industriel déterminant.
Responsabilités publiques et perspectives de transition
La Région rappelle que les aides publiques sont conditionnées à des contreparties et qu’elles doivent servir l’intérêt collectif lorsqu’elles ne sont pas honorées. Les élus locaux plaident pour une mobilisation coordonnée : accompagnement des salariés, recherche active de repreneurs, et soutien ciblé aux projets qui favorisent une reconversion industrielle viable.
Au-delà du sauvetage d’un site, la crise soulève des questions structurelles sur la résilience industrielle en Dordogne, le rôle de l’État dans la préservation des emplois et la manière dont le territoire peut se positionner sur des filières en croissance.
Si vous avez travaillé à Papeteries de Condat, si vous habitez Le Lardin-Saint-Lazare ou si vous suivez les enjeux de l’industrie papetière et de la transition économique en Dordogne, partagez votre témoignage et vos pistes d’action. Vos retours nourriront le dossier local et aideront à penser des solutions concrètes pour l’emploi local et la pérennité du territoire.