J’ai vu des documents de levée et entendu des confidences autour des bureaux de San Francisco : Mercor, la plateforme qui met en relation des experts humains et les plus grands laboratoires d’IA, vise désormais une levée de série C sur une valorisation dépassant 10 milliards de dollars. La trajectoire commerciale affichée — un chiffre d’affaires annualisé communiqué d’environ 450 millions de dollars et des signes de profitabilité — change la donne pour les acteurs du marché de l’étiquetage et de l’entraînement humain de modèles.
Mercor cherche à franchir le cap des 10 milliards : détails sur la levée et la valorisation
Selon des éléments vus par TechCrunch et des sources proches du dossier, la start-up discute avec des investisseurs pour une série C et a déjà reçu plusieurs offres, certaines valorisant l’entreprise autour de 10 milliards de dollars. Felicis, investisseur historique, envisage de réinvestir et la cible de valorisation a été réévaluée à la hausse après des mois d’échanges avec des fonds.
Mercor a annoncé des chiffres publics échelonnés : des 75 millions d’ARR évoqués lors d’un précédent point, puis 100 millions selon un message du CEO, pour aboutir aujourd’hui à un discours de levée positionnant l’ARR près de 450 millions. Forbes a même signalé un bénéfice de 6 millions sur le premier semestre, un signal rare dans ce secteur. Cet élan attire des SPV et des propositions de valorisation allant au-delà des attentes initiales.
Comment Mercor monétise l’expertise humaine pour l’entraînement des modèles
Mercor facture l’accès à des experts — scientifiques, médecins, juristes — en combinant un taux horaire pour les contractuels et une commission de matching auprès des clients. L’entreprise revendique la fourniture de sous-traitants en annotation de données à plusieurs grands acteurs, parmi lesquels OpenAI, Google, Meta, Microsoft, Amazon, Tesla et Nvidia, avec une part disproportionnée du chiffre d’affaires provenant d’un sous-ensemble de ces partenaires.
Pour diversifier ses revenus, Mercor présente aux investisseurs un plan d’intégration de briques logicielles pour le reinforcement learning et dit vouloir bâtir à terme une place de marché de recrutement alimentée par l’IA. Cette montée en gamme technique est déterminante pour capter la valeur au-delà du simple service d’intérim expert.
Concurrence, litiges et risques pour les fournisseurs d’annotation de données
Le marché attire des concurrents ambitieux : Surge AI, Turing Labs, et Scale AI étendent leurs offres vers le RL, et certains fonds valorisent ces acteurs à des niveaux stratosphériques. Une bataille pour les talents et les contrats long terme s’installe, d’autant que des géants peuvent internaliser ces compétences — comme l’a suggéré le lancement récent de plateformes d’embauche par certains laboratoires.
Sur le plan juridique, Mercor fait face à une plainte de Scale AI pour appropriation présumée de secrets commerciaux, une affaire qui pose la question des garde-fous contractuels dans un secteur où l’accès à la propriété intellectuelle est une monnaie d’échange. Ce contentieux est un facteur de risque à surveiller pour les investisseurs et les clients.
La conjoncture internationale pèse aussi : les mouvements stratégiques d’acteurs comme Apple — évoqués dans des rumeurs d’acquisition pour renforcer leurs capacités IA — soulignent une recomposition rapide du paysage (l’actualité Apple-Perplexity). Les initiatives publiques en Europe et ailleurs, comme le plan d’incitation gouvernemental pour l’IA, modifient les priorités des entreprises et des talents (lire le plan public).
Menaces systémiques : sécurité des données et pression concurrentielle
Les risques vont au-delà des procès : des campagnes de pillage de données ou des fuites peuvent fragiliser la confiance entre acheteurs et fournisseurs de données annotées. Une fuite significative modifierait les pratiques contractuelles et la due diligence exigée par les grands clients.
Par ailleurs, des développements technologiques chez des acteurs comme OpenAI — qui multiplie les annonces produit liées à l’IA — peuvent réduire la dépendance aux prestataires externes ou au contraire l’accroître si la demande de données spécifiques explose (voir l’annonce GPT-5).
Portrait humain : des fondateurs jeunes, une présidence expérimentée et le récit d’une montée en puissance
J’ai rencontré le fil narratif qui traverse leur communication : trois jeunes cofondateurs — Thiel Fellows et anciens de Harvard — se sont lancés en 2023 pour résoudre une pénurie d’experts qualifiés pour l’entraînement de modèles. Brendan Foody (CEO), Adarsh Hiremath (CTO) et Surya Midha (COO) portent ce récit, qui a attiré des talents exécutifs comme Sundeep Jain, nommé président pour professionnaliser l’échelle.
Foody a déclaré à TechCrunch qu’ils n’avaient pas cherché à lever activement, affirmant recevoir des offres « chaque mois », et a précisé que la manière dont Mercor comptabilise les revenus inclut les paiements bruts des clients avant reversement aux contractuels — une méthode courante chez des pairs comme Scale AI et Surge AI.
Pour comprendre l’écosystème de talents qui alimente ce type de société, on pense aux parcours et formations qui produisent ces profils : OpenClassrooms, DataScientest, Le Wagon, Simplon, ISAE-SUPAERO ou encore IA School contribuent à la filière.
Les investisseurs et acteurs institutionnels européens — des fonds historiques aux réseaux comme XAnge et France Digitale — suivent ces dynamiques et adaptent leurs critères d’intervention, comme le montre la structuration récente de financements transnationaux (l’alliance deep-tech).
Les perspectives de développement stratégique de Mercor s’inscrivent dans un contexte plus large de course aux infrastructures d’IA et aux réseaux : entre investissements dans le spatial et les capacités réseau, on voit des acteurs comme Amazon pousser des offres d’infrastructure qui ont des répercussions sur la distribution cloud et l’entraînement de modèles (article sur Amazon Kuiper).
Autre signal : l’écosystème des startups médias et publicitaires évolue vite (par exemple des levées ciblées pour monétiser l’audience), un contexte qui influe sur les stratégies de monétisation des plateformes IA (voir la levée de Koah).
Insight clé : si Mercor confirme ses chiffres et sécurise des engagements longs auprès des hyperscalers, elle peut transformer son modèle en plateforme indispensable ; à l’inverse, les risques juridiques et la concurrence technologique imposent une vigilance continue.