J’ai vu, un matin de 25 décembre, les smartphones sortir des poches à peine les rubans dénoués. Autour de moi, la valse des échanges démarrait — non plus avec la famille, mais avec une communauté invisible de repreneurs. C’est officiel : la revente des cadeaux de Noël est devenue un nouveau jeu national, aussi codifié que le dîner du réveillon.
Vous vous souvenez du temps où l’on cachait, un peu penaud, le mug « Meilleur tonton » reçu en triple ? Oubliez tout ça. Aujourd’hui, presque un million de cadeaux troquent de foyer dès la matinée du 25. Les plateformes comme eBay ou Rakuten affichent des chiffres records, et ce n’est plus seulement une anecdote — c’est une révolution de la consommation, chiffrée, assumée, presqu’organisée… mais surtout, profondément humaine.
Cadeaux de Noël : des ventes à la chaîne dès le réveil
Imaginez la scène : le papier cadeau encore froissé au sol, et déjà, près de 390 000 annonces déposées avant midi sur Rakuten par des Français pressés de faire de la place ou de récupérer quelques euros. Selon une étude Ipsos-bva citée par la plateforme, il ne s’agit plus seulement de limiter les dégâts : revendre fait désormais partie du rituel post-fêtes.
Cette année, eBay a enregistré près de 500 000 annonces nouvelles durant la même matinée. Petit calcul : dans les prochains jours, le million de ventes devrait être dépassé, battant sans hésiter le précédent record. Comme me le confiait une vendeuse croisée sur un marché de Noël, « On dirait que les cadeaux continuent leur voyage… c’est écologique, et qui sait, ils finiront peut-être par tomber sur LE bon destinataire ! ».

Derrière l’écran : la nouvelle normalité de la revente
Vous vous demandez peut-être : les Français se sentent-ils coupables de mettre en vente ce que leur a offert un proche ? Selon Rakuten, la gêne s’évapore : 71 % des personnes interrogées réagiraient positivement — ou resteraient neutres — si leur cadeau filait sur une plateforme. Le tabou a fondu, comme la neige sous la bûche.
On assiste à une forme d’auto-dérision collective, où offrir la possibilité de revendre (voire d’échanger) est considéré comme un acte bienveillant, presque de bon sens. J’ai entendu le témoignage d’un père en Auvergne qui, chaque année, propose à ses enfants de « choisir entre conserver ou monétiser » leurs présents. La tradition s’adapte à l’air du temps, preuve à l’appui : selon plus de la moitié des foyers, revendre en ligne ou offrir un cadeau déjà reçu n’a plus rien d’exceptionnel.
Le business de la seconde main : millions d’achats et pouvoir d’achat reboosté
L’attrait n’est pas que psychologique. D’après Rakuten, ceux qui franchissent le pas de la revente récupèrent en moyenne près de 100 euros, un coup de pouce bienvenu sur la période des fêtes — et pour les plus malins ou chanceux, la somme grimpe parfois au-delà de 300 euros. Les records ne s’expliquent pas uniquement par le « pragmatisme » des consommateurs : l’usage se diffuse, la logistique simplifie le process, et la demande explose pour les jouets, produits high-tech ou articles culturels.
On ne parle plus d’un marché de niche. Une enquête Kantar pour eBay avance que près de 20 millions de Français ont déjà écoulé des cadeaux indésirables sur les plateformes spécialisées, tandis que près d’un foyer sur deux fait de la vente en ligne un geste systématique, au moins une fois par an. D’ailleurs, saviez-vous que ce dynamisme booste l’économie locale ? À Limoges, par exemple, j’ai croisé la gérante d’une boutique solidaire qui compile chaque année des centaines de jeux et livres délaissés par internet, pour les proposer à petits prix aux familles.
Où ça cartonne ? Cartographie des régions les plus actives
Toutes les régions ne réagissent pas de la même manière. Les records de commerce en ligne se situent principalement en Île-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Nouvelle-Aquitaine — des territoires où la culture numérique et la diversité démographique favorisent l’adoption rapide de ce nouveau réflexe.
Mais ce raz-de-marée ne se limite pas aux grandes métropoles. Certaines petites villes, déjà connues pour leur créativité pendant les fêtes, s’illustrent aussi en décembre pour leur esprit d’échange. Si vous êtes curieux de voir où les Français célèbrent Noël autrement, jetez un œil à ce répertoire insolite des destinations préférées en décembre.
Revente de cadeaux de Noël : le top des objets les plus recherchés
Alors, quels objets passent le plus vite d’un sapin à un autre foyer ? Voici quelques valeurs sûres, observées dans toutes les régions :
- Livres, jeux vidéo et DVD — à la fois cultes et faciles à expédier
- Produits high-tech, smartphones en tête, synonymes de forte valeur de revente
- Jouets non désirés ou en doublon — ceux qui font la joie du prochain enfant
- Équipements pour la maison ou la cuisine, prisés pour leur combinaison utilité/confort
- Accessoires vestimentaires « décalés » (pour les fans de la journée pull moche de Noël)
En toile de fond, le record observé cette année est intimement lié à une volonté d’optimiser son budget. On sent chez beaucoup d’acheteurs une logique inverse de la procrastination qui avait envahi l’e-commerce ces dernières saisons. L’art de sélectionner ou d’offrir autrement occupe désormais toute sa place lors des fêtes de fin d’année.
Une seconde vie qui fédère… et qui fait parler
Le phénomène ne concerne pas que quelques passionnés — il questionne notre rapport à la possession et à l’échange, bouscule aussi nos représentations de la générosité. À ce titre, certains collectifs solidaires ou associations locales s’impliquent pour faire parvenir cadeaux et jouets non souhaités à des familles en difficulté, transformant la logique marchande en mouvement social. L’initiative Maison 24 à Périgueux mérite d’être saluée : ici, le commerce s’efface devant la solidarité.
À ce stade, la revente massive post-Noël ne signe pas une crise de l’esprit de fête, bien au contraire. Elle semble ouvrir la voie vers un Noël « modulable », où chaque objet troqué, vendu ou offert à son tour invente une nouvelle histoire. Qui aurait parié, il y a dix ans à peine, que la seconde main deviendrait la star cachée des réveillons français ?
