J’ai vu, cet été, un terrain d’un peu plus d’un hectare animé à Saint-Barthélémy-de-Bussière, où 300 membres de la Rainbow Family ont campé quelques jours. J’ai rencontré Adrien Lafourcade, installé en Dordogne depuis treize ans, qui porte un projet de transformation de campings en lieux d’initiation à la transition écologique. Le dispositif, mêlant préventes de séjours et obligations rémunérées, suscite autant d’enthousiasme que d’interrogations locales.
Projet néo-babas cool en Dordogne : rachat de campings et promesse d’un retour à la terre
Sur le site qu’il occupe, Adrien Lafourcade a installé deux yourtes, des ânes de trait, des ruches et des serres. Il décrit ce lieu comme un laboratoire où se préparent des espaces destinés à devenir des « tremplins » vers une vie plus agricole.
La mécanique financière repose sur deux canaux : des jetons d’usage — prépaiement de séjours et de services — et des obligations présentées comme rémunérées à 3%, alimentées par les nuitées et les réservations. L’ambition affichée est d’acquérir deux campings en Dordogne, pour un montant global évoqué autour de 1,9 million d’euros, afin de créer un maillage de lieux collectifs sur le territoire.
Le collectif, qui se dénomme La Suite du Monde, ne communique pas les adresses des sites visés et indique que les biens sont en vente dans un rayon de 30 km autour de Saint-Barthélémy. Ce flou alimente les questions locales sur la nature exacte des futures activités et sur la gouvernance des lieux. Insight : la transition rêvée dépendra d’abord d’une transparence juridique et opérationnelle.
Financement participatif et garanties juridiques : quelles réponses pour les habitants ?
Sur les réseaux sociaux et sur le site du collectif, des familles et des habitants se demandent quelles garanties offrent les contrats proposés. Adrien Lafourcade affirme que les modalités ont été élaborées avec des avocats et des juristes et qu’elles respectent le droit français.
Du côté des élus, l’accueil est plus réservé. Le maire, Laurent Mollon, se dit surpris de ne pas avoir été informé et rappelle certains épisodes précédents, où le collectif avait proposé des légumes à prix libre à proximité des maraîchers locaux. Pour l’édile, ces initiatives restent des « belles idées » parfois un peu hors sol aux yeux des voisins qui assument charges et obligations.
Le débat local met en lumière une question simple : ces structures seront-elles complémentaires ou concurrentes des activités déjà en place ? Insight : sans clarification sur les statuts et les règles, la défiance risque de perdurer.
Mixité sociale et tiers-lieux en milieu rural : promesses et limites en Dordogne
J’ai entendu, auprès d’une sociologue spécialiste des tiers-lieux, que la ruralité porte un besoin réel de nouveaux lieux de sociabilité. Aurore Flipo rappelle que ces espaces peuvent recréer du lien physique absent depuis la fermeture de cafés et de petits commerces.
Pour autant, elle signale une limite récurrente : ces projets, même s’ils se veulent inclusifs, tendent à agréger des personnes ayant des goûts et pratiques proches, et peinent à générer une vraie mixité sociale. C’est un défi pour des initiatives telles que celles de La Suite du Monde qui affichent une volonté de cohésion mais confrontent la réalité des appétences locales.
Dans la pratique, le collectif a déjà mené une expérimentation baptisée la « commune imaginée du Bandiat » dès 2018, avec l’achat de terres agricoles et la création de deux auberges auto-gérées à Piégut-Pluviers. L’expérience montre l’écart entre ambition et intégration. Insight : la construction de communs exige des dispositifs concrets pour mêler populations locales et nouveaux venus.
Du rêve collectif à la réalité administrative : gouvernance et vie locale
Le discours du collectif insiste sur un modèle de « co-acquisition » et d’usage partagé, et ses porte-parole refusent l’étiquette de communauté fermée. Paloma Alvarez, qui participe à l’animation, présente l’approche comme centrée sur le vivre-ensemble et la transmission de pratiques, avec des ateliers de gestion des conflits et de communication non violente, annoncés sous des intitulés comme « Rêve du dragon ».
Sur la page de communication du projet apparaissent aussi des appellations créatives qui cherchent à capter l’attention : Nomad Dodo, Vertige Créatif, Tribu Périgourdine, Grain de Folie, Dordognésie, Cosmos Céramique, Les Jardiniers Utopistes, L’Atelier des Songes, Sève Alternative, Le Bocal Poétique. Ces noms traduisent une volonté d’imaginaire collectif, mais posent la question de leur traduction concrète sur le terrain.
Le groupe reconnaît que l’expérience est pour l’instant « provisoire » et précise que les mobile homes ne sont pas destinés à des installations pérennes. Parmi les premiers contributeurs, on trouve des profils variés, des retraités aux personnes en recherche de sens, certains attirés par des expériences naturistes, ce que l’organisateur tente de recadrer. Insight : la diversité des publics oblige le projet à penser des règlements d’usage précis et acceptés localement.
Ce que cela signifie pour les habitants de Dordogne
J’ai vu que l’arrivée de néo-ruraux et d’initiatives comme celle-ci suscite autant de curiosité que d’interrogations. Les enjeux pour les villages sont concrets : relation avec les maraîchers, impact sur le marché foncier, gouvernance des lieux et articulation avec les services publics.
Les expériences antérieures du collectif offrent des cas concrets d’apprentissage, mais l’acceptation passe par un dialogue ouvert avec les élus et par des garanties juridiques lisibles pour les habitants. Insight : pour que le projet change durablement le paysage social et économique local, il devra conjuguer transparence, mixité et respect des activités existantes.
Partagez votre expérience locale : avez-vous déjà participé à un tiers-lieu en Dordogne ? Envoyez vos témoignages au journal pour nourrir le débat et aider les habitants à mieux comprendre ce que promettent — et ce que livrent — ces nouvelles formes de vie collective.